Nanard 2

Le soleil se levait sur Petropavloski. 

La journée s'annonçait lumineuse et frisquette. 

La radio diffusait de l'Igor Stravinski. 

Nanard se réveilla, benoît dans sa chambrette. 

 

Le moral au beau fixe, il fit un gros caca, 

s'offrit un grand kawa, grignota deux tartines, 

avant de s'en aller, coiffé de sa chapka, 

flâner sur le musoir plein de senteurs marines. 

Au large on pouvait voir flirter des cachalots, 

deux marsouins marsouinaient à quelques encablures. 

Un couple de fulmars cinglait au ras des flots. 

 

Comment ne pas sentir l'éveil de la nature ? 

 

Il troublait méchamment notre ancien maître-coq. 

Quand il s’amourachait, ce n’était pas du toc.

 

*******

 

« Here is the french sailor ! Another bloody-bitch ? 

  Yes !  Réplique en globish un Nanard grenadine. »

 

« J'ai rudement bien fait de raser ma barbitch ! 

se dit-il in petto. Et vive la marine ! 

Je vais raconter ça par e-mail à Paulo. »

 

 

Paulo, ce vieux forban, compagnon de bamboche, 

avait posé son sac auprès de Saint-Malo, 

dans un joli penty fleuri d'aristoloches.

 

« Paulo, t'as le bonjour de Petropavloski. 

Un port du Kamchatka. Je chauffe une frangine 

et bois du bloody-bitch. Ce cocktail est exquis.

— Sacripant de Nanard, tu nous surprends toujours. 

Embrasse de ma part tes nouvelles amours. 

Ce cocktail a, je crois, des vertus assassines. » 

 

*****

 

«Salut la compagnie. Comme d'hab, un muscadet. »

 

La matinée se traîne au bar du Quiquengrogne  

où diffuse en sourdine  un vieil air irlandais,

 

« Salut Paulo, répond un quarteron d'ivrognes.

— Ya du neuf les amis, j'ai un mail de Nanard.

— Raconte. — Accrochez-vous, il est en Sibérie, 

et pourrait devenir patron d'un lupanar.

— Un gars si vertueux ? Paulo, tu nous charries.

— Bon j'exagère un poil. Il est au Kamchatka 

et drague une barmaid en sifflant des vodkas.

— Présenté comme ça, c'est déjà plus crédible.

— C'est carrément au Nord. Fait pas chaud dans le coin.

— A moins de pratiquer le tagada-tsoin-tsoin.

— Là-haut, notre ostrogoth doit être irrésistible. »