La feuille blanche

Imbue d’une candeur qu’elle croyait immortelle, une feuille blanche était persuadée qu’être noircie n'arrivait qu'aux autres et se la coulait douce dans son univers à deux dimensions.

 

Vu sous son angle, ce sentiment n’avait rien d’irrationnel.

 

Comment aurait-elle pu imaginer qu'il en existait une troisième, de dimension ? Et qu’icelle grouillait d’étranges créatures qui, flippant à la seule vue du papier blanc, n’avaient qu'un seul dessein : le noircir. Ce mal avait même un nom : la leucosélophobie

 

Vu sous tous les angles, on ne peut que le qualifier d’irrationnel.

 

Un beau matin d’avril, notre amie ressentit les effluves bienfaisantes du printemps. Au même instant un leucosélophobe, conditionné par ces mêmes effluves, ressentit ce qu'il attendait depuis des lustres : l’inspiration. Moins d'une minute plus tard, la feuille blanche perdait sa virginité avant de se retrouver en boule au fond de la corbeille.