squelette 13

Au même instant, dans un au-delà de l’Iroise,

deux fantômes charmants papotent en anglais.

Mais l’auteur, dont on sait les manières courtoises,

tenait à les traduire aussitôt en français :

 

« Kathleen, ce joli cop nous en apprend de belles :

un descendant de Bartholomew tient un Pub

- C’est très intéressant, dear Abigaëlle.

Si nous allions céans hanter le Guinness-Club ? »

 

En un soupir, les spectres sont à Recouvrance

où la sono diffuse un air de Country-dance.

Le même que jadis au « Hall » de Waterford.

 

Au comptoir un « guy », roux comme un fier crépuscule,

tire sans se lasser des bières majuscules.

« Comme il ressemble à Bartholomew !  Oh, my Lord ! »

 

 

 

À la pointe du jour, le tenancier celtique

se retrouve arpentant un antique steamer

où minaude une rousse hyper-photogénique.

D’un seul trait, Cupidon lui transperce le coeur.

 

L’affaire progressant sous les meilleurs auspices,

Bartholomew invite la belle au déduit

mais, à l’instant qu’il espérait propice,

son portable vrombit sur la table de nuit.

 

Dix sept heures plus tard, il retrouve sa couette

et sous un grand soleil, dans un concert de mouettes,

l’objet de ses désirs, la chevelure au vent.

 

Mais, bis repetita, lorsque pointe l’aurore,

dans son joli studio, il se réveille encore,

Popaul au garde à vous, Gros-Jean comme devant.

 

 

 

Vingt-quatre nuits durant il souffre ce supplice,

lorsqu’une après-midi, à seize heures vingt-trois,

surgit au Guinness-Club, ravissant maléfice, 

la rousse flamboyante en habits d’autrefois.

 

Ce bon Bartholomew qui sifflait une brune,

avale de travers et manque s’étouffer.

Un gus compatissant comprend son infortune

et frappe gentiment le dos du mastroquet.

 

La rouquine a tout pour attirer les regards,

mais à part le barman, visiblement hagard,

nul mortel ne parait remarquer sa présence.

 

« Olivier, vois-tu cette splendide nana ?

 J’y rêve chaque nuit et j’en reste baba.

  Mais Bart, je ne vois que des mecs dans l’assistance. »