Dès le surlendemain, au cours d’une plongée,
l’ex-commando Fernand, qui pourchassait le bar,
tombe droit sur le chef. Comme quoi, le hasard
sait prendre opinément des routes détournées.
Pas sot, notre plongeur fait aussitôt le lien
avec l’affaire en cours (qui j’espère vous tient,
cher lecteur, en haleine).
Mais il y a un os :
il a trouvé le crâne à l’aplomb de Molène.
Il se gratte le sien en rangeant son matos.
« Si ce crâne est celui que cherchait Augustin,
peut-il avoir roulé, poussé par les marées
ou par le nez pointu des espiègles dauphins
dont nul n’ignore ici les humeurs enjouées ?
Je m’en vais de ce pas avertir les perdreaux.
Il suffira de comparer les adéennes
pour savoir si ce crâne aurait pu tout de go
se farcir le trajet Bannec-Ile Molène.
Mais il me faut d’abord, soliloque Fernand,
passer à l’Archipel m’offrir un petit blanc
et savourer, ravi, les nombreux commentaires.
Nul doute que ce chef, retrouvé par hasard,
qu’il soit ou non en relation avec l’Affaire,
saura faire causer tous les piliers du bar. »
Au même instant, en provenance du Conquet,
un voilier blanc barré par un preux capitaine
embouque le chenal qui conduit à Molène
en ouvrant sa voilure au souffle du Nordet.
Le skipper est un as de la Rousse* brestoise.
En sportif accompli, Bellec, dit le shérif,
s’offre véliquement un ouiquende en Iroise
pour plonger un chouïa sur les plus beaux récifs.
Il a suivi de loin l’histoire des squelettes
qui réapparaissait parfois dans les gazettes,
mais il avait alors d’autres chats à fouetter.
En fin manoeuvrier, il accoste à la voile,
assure les amarres et rabane la toile
sous l’oeil indifférent d’un goéland cendré.
Sa première visite est pour l’aréopage
où chaque molénais glisse son grain de sel,
où l’on refait le monde à coup d’amphigourages
et de saugrenuités : le bar de l’ Archipel.