Squelette 6

Dès le surlendemain, au cours d’une plongée,

l’ex-commando Fernand, qui pourchassait le bar,

tombe droit sur le chef. Comme quoi, le hasard

sait prendre opinément des routes détournées.

 

Pas sot, notre plongeur fait aussitôt le lien

avec l’affaire en cours (qui j’espère vous tient,

cher lecteur, en haleine).

Mais il y a un os :

il a trouvé le crâne à l’aplomb de Molène.

Il se gratte le sien en rangeant son matos.

 

« Si ce crâne est celui que cherchait Augustin,

peut-il avoir roulé, poussé par les marées

ou par le nez pointu des espiègles dauphins

dont nul n’ignore ici les humeurs enjouées ?

Je m’en vais de ce pas avertir les perdreaux.

 

Il suffira de comparer les adéennes

pour savoir si ce crâne aurait pu tout de go

se farcir le trajet Bannec-Ile Molène.

 

Mais il me faut d’abord, soliloque Fernand,

passer à l’Archipel m’offrir un petit blanc

et savourer, ravi, les nombreux commentaires.

 

Nul doute que ce chef, retrouvé par hasard,

qu’il soit ou non en relation avec l’Affaire,

saura faire causer tous les piliers du bar. »

 

 

Au même instant, en provenance du Conquet,

un voilier blanc barré par un preux capitaine

embouque le chenal qui conduit à Molène

en ouvrant sa voilure au souffle du Nordet.

 

 

 

Le skipper est un as de la Rousse* brestoise.

En sportif accompli, Bellec, dit le shérif,

s’offre véliquement un ouiquende en Iroise

pour plonger un chouïa sur les plus beaux récifs.

 

Il a suivi de loin l’histoire des squelettes

qui réapparaissait parfois dans les gazettes,

 

mais il avait alors d’autres chats à fouetter.

En fin manoeuvrier, il accoste à la voile,

assure les amarres et rabane la toile

sous l’oeil indifférent d’un goéland cendré.

 

Sa première visite est pour l’aréopage

où chaque molénais glisse son grain de sel,

où l’on refait le monde à coup d’amphigourages

et de saugrenuités : le bar de l’ Archipel.