Bellec eut un éclair : ce brave ecclésiastique
au sourire enjôleur serait-il l’assassin ?
On peut fort bien occire et rester sympathique.
(d’où la difficulté du métier de roussin)
« À qui ai-je l'honneur ?
– Capitaine Bellec, j’enquête sur le crime.
– Soyez le bienvenu. C’est un bien grand malheur.
– Surtout pour la victime.
– Ce meurtre a secoué notre calme village.
Tout à fait entre nous, la dame était volage.
Je prie afin qu’elle ait le pardon du Seigneur.
– À chacun son travail : vous priez, moi j’enquête. »
La cure était coquette,
Elle semblait meublée par un fin brocanteur.
« Prendrez-vous Capitaine une goutte de prune ?
J’en ai de la très bonne et nous pourrons causer
de cette rousse enfant trucidée à la brune
(preuve que le tueur était un névrosé)
– Merci Monsieur l'abbé, jamais dans le service.
Auriez vous entendu quelque cri de terreur ?
– Pas un seul, l’assassin, bien loin d’être un novice
piqua dans le silence et sans la moindre erreur.
– Vous m’apprenez des choses...
et vous en savez plus. Du moins je le suppose.
Auriez-vous confessé, par hasard, le tueur ? »
Un nuage altéra le regard du vicaire :
« Dans mon pieux ministère
je ne puis divulguer les secrets du pécheur. »
« Un pêcheur aurait donc suriné la pauvresse ?
– J'ai employé ce mot dans le sens de fautif,
pardon si j’ai commis la moindre maladresse. »
Bellec plia bagage, un poil dubitatif.
« J’ai comme l'impression qu’il se paye ma fiole,
ce drôle de curé. »
Sous un début d'averse, au sec dans sa bagnole,
il rejoignit la Taule en écoutant Ferré.
Lorsque cessa le grain, il sifflait « Jolie môme »
Sans perdre un seul instant il convoqua ses hommes.
« Je reviens de Lampaul où j'ai vu le recteur.
Mon petit doigt me dit qu'il connait le coupable.
S'il ne l'est pas lui-même. Il en est bien capable.
Mais je penche plutôt pour un marin-pêcheur. »