Petits meurtres 4

Bellec eut un éclair : ce brave ecclésiastique

au sourire enjôleur serait-il l’assassin ?

On peut fort bien occire et rester sympathique.

(d’où la difficulté du métier de roussin)

 

« À qui ai-je l'honneur ?

– Capitaine Bellec, j’enquête sur le crime.

– Soyez le bienvenu. C’est un bien grand malheur.

– Surtout pour la victime.

 

– Ce meurtre a secoué notre calme village.

Tout à fait entre nous, la dame était volage.

Je prie afin qu’elle ait le pardon du Seigneur.

– À chacun son travail : vous priez, moi j’enquête. »

 

La cure était coquette,

Elle semblait meublée par un fin brocanteur.

 

« Prendrez-vous Capitaine une goutte de prune ?

J’en ai de la très bonne et nous pourrons causer

de cette rousse enfant trucidée à la brune

(preuve que le tueur était un névrosé)

 

– Merci Monsieur l'abbé, jamais dans le service.

Auriez vous entendu quelque cri de terreur ?

– Pas un seul, l’assassin, bien loin d’être un novice

piqua dans le silence et sans la moindre erreur.

 

– Vous m’apprenez des choses...

et vous en savez plus. Du moins je le suppose.

Auriez-vous confessé, par hasard, le tueur ? »

 

Un nuage altéra le regard du vicaire :

« Dans mon pieux ministère

je ne puis divulguer les secrets du pécheur. »

 

« Un pêcheur aurait donc suriné la pauvresse ?

– J'ai employé ce mot dans le sens de fautif,

pardon si j’ai commis la moindre maladresse. »

 

Bellec plia bagage, un poil dubitatif.

« J’ai comme l'impression qu’il se paye ma fiole,

ce drôle de curé. »

 

Sous un début d'averse, au sec dans sa bagnole,

il rejoignit la Taule en écoutant Ferré.

Lorsque cessa le grain, il sifflait « Jolie môme »

 

Sans perdre un seul instant il convoqua ses hommes.

 

« Je reviens de Lampaul où j'ai vu le recteur.

Mon petit doigt me dit qu'il connait le coupable.

S'il ne l'est pas lui-même. Il en est bien capable.

Mais je penche plutôt pour un marin-pêcheur. »