Petits meurtres 2

 

Un client matinal à trogne rubiconde,

tête son muscadet, les yeux vers l’infini.

Le bref communiqué sur Radio-Boutdumonde,

a figé tout le monde au comptoir du Fanny :

 

« Mais qu’est-elle allée foutre à Lampaul-Plouarzel ? »

Chacun connait ici les moeurs de la Fernande :

après la fermeture, une verveine au miel

et direct au dodo, dans ses draps bleu lavande.

 

Il est fini le temps où elle allait au taf

jusqu’au bout de la nuit, épuisant le mataf.

Un soir Papa Noël s’invita dans sa vie.

 

Très vite il figura dans la nécrologie,

lui laissant dans son bas ce superbe troquet,

oasis de plaisir et source de caquets.

 

Pour un petit blanc sec et de frais commentaires,

la foule peu à peu déserte le parking.

« Un vrai meurtre à Lampaul, c’est bon pour les affaires »

jubile intimement le patron du Sporting.

 

De nombreux Lampaulais ont connu la Fernande

( bibliquement s’entend ) : « Avec un tel prénom,

c’est fou ce qu’elle avait dans le cerveau, la grande,

pour nommer son troquet “Fanny de Laninon”

 

– Œuvre de Mac-Orlan, précise Philaminte,

la belle et pétulante institutrice adjointe.

– Vif ou lent, j’ignorais qu’elle eût un maquereau,

calemboure un gros beauf à la verve saignante.

– Vous ne respectez rien » s’indigne l’enseignante,

cependant qu’au-dehors s’activent les perdreaux.

 

 

« Le criminel a pris la dame par-derrière.

Indubitablement. En tout bien tout honneur.

Un poignard, un stylet, peut-être une rapière,

glissant sous une côte a transpercé le cœur.

 

– Bravo, gendarme Floc'h, vous êtes un poète,

à coup sûr le Rimbaud de notre peloton,

mais vous êtes payé pour mener une enquête,

laissez donc au tiroir vos vers de mirliton ! »

 

Cependant qu’à Lampaul versifient les gendarmes,

à Brest, quelques messieurs fort bien placés s’alarment

( Fernande a cajolé tellement de brestois ) :

 

« Prenez l’affaire en mains, je vous prie, commissaire.

La ville est concernée. – Bien sûr monsieur le maire,

j’ai dans mon écurie quelques limiers de choix. »