Cucuff, dans les torchons, avait roulé sa viande
lorsqu'une idée surgit dans son fier ciboulot :
« Pour moi, c'est le curé qui a tué Fernande ! »
« J'y pensais à l'instant, c'est assez rigolo,
encourage Bellec, via le téléphone.
J'en ai la conviction depuis le premier jour.
- Et quelqu'un l'a tué pour venger la luronne !
- Vous m'êtes Kerdoncuff, un très précieux secours.
- Elle avait tant d'amants qu'il nous faut circonscrire.
- Peut-être à Recouvrance avait-elle un barbeau ?
- Pourquoi pas son dealer ? C'est un bien triste sire,
- Mais il pouvait avoir la rousse dans la peau.
- C'est ce que prétendait l'institutrice adjointe.
- Demain nous irons voir l'ardente Philaminte.
Bon, je vais raccrocher. Faites un gros dodo. »
La brume s'estompait, le ciel en demi-teinte
commençait doucement à prendre des couleurs.
Au « Café du vieux port », Bellec et Philaminte
se plurent tout de suite. En tout bien tout honneur.
« Je veux bien vous aider, sachez-le Capitaine,
mais au gendarme Floch, je crois avoir tout dit.
Ce type est un salaud. La loi républicaine,
dure aux petites gens, épargne les bandits. »
A cet instant précis le bigophone tinte.
« Allo ? - C'est Kerdoncuff - Le légiste est formel ? »
- Il y a du nouveau ? s'informe Philaminte.
- On a identifié l'ADN de Marcel. »
Cinq minutes plus tard, Bellec est dans son rade :
« Je dois vous arrêter. Désolé camarade. »
« Vous aviez Kerdoncuff, flairé la bonne piste.
Vous êtes un bon flic. Que dis-je ? Un excellent.
- Mais je suis harcelé par tous ces journalistes.
- Vous en brûlez d’envie, allez-y lieutenant. »
Kerdoncuff, solennel et la mine gourmande
brieffe des journaleux un brin émoustillés :
« Camé, l'écclésiastique avait buté Fernande.
Marcel, pour la venger, sucra son meurtrier.
- A-t-il aussi tué la pauvre Adélaïde ?
- Non. Il a pour ce meurtre un solide alibi.
- Alors c'est le dealer ? - Un alibi aussi.
- Donc, sur ce meurtre-là, pour l’instant c’est un bide ?
Pour l’instant seulement. Nous tenons le bon bout,
le meurtrier sera bientôt sous les verrous. »