Aux vives-eaux d'avril, sur l'îlot de Bannec
où le brave traquait la palourde insoumise,
Yffic a découvert, à sa grande surprise,
deux squelettes blottis sous un lit de varech.
Il interrompt sa pêche et cingle vers Molène.
Son esquif se faufile et frôle les rochers.
Dés qu'il met pied à terre, il court, à perdre haleine,
s'offrir à « l'Archipel » un demi-panaché.
Il y trouve Milo servant trois mominettes.
« Tu ne me croiras pas, j’ai trouvé deux squelettes !
Ils étaient l'un et l'autre en excellent état.
– Un couple de dauphins ? Ou peut-être de phoques ?
– Non, c'étaient des humains, sans la moindre équivoque .
– En ce cas mon Yffic, il faut faire un constat. »
La nouvelle a couru prestement sur Molène.
Renonçant vaillamment à son apéritif,
un plongeur a vêtu son suit en néoprène
et son puissant zodiac cingle vers l’objectif.
Yffic est à son bord, enchanté de l’aubaine.
L’embarcation se cabre au milieu des récifs.
« C’est là, près du rocher en forme de sirène.
– OK, je vais de suite y mouiller mon esquif. »
Le flot a recouvert amplement les squelettes.
Il faut, pour les loger, lutter dans le courant.
Mais Fernand, le plongeur, est un sérieux athlète.
Il émerge bientôt comme un gros cormoran :
« Super ! ils sont bien là, parmi les laminaires.
Voilà qui va ravir Augustin, notre maire.»
Voilà qui va ravir Augustin, notre maire. »
Augustin, sur le quai, s’agite au téléphone.
C’est un ancien mataf bedonnant et barbu.
Incontestablement le chef de la tribu :
« Je viens d’avoir Fernand. Les nouvelles sont bonnes.
En petit commando, nous irons à Bannec
alentour de minuit. La mer sera très basse.
Nous examinerons de plus près les carcasses
qui gisent, me dit-on, dans un lit de varech.
Je m’en vais de ce pas avertir les gendarmes.
Ravis de retrouver l’archipel et ses charmes,
ils devraient se pointer rapido du Conquet. »
Comme à son habitude Augustin se la pète
et, téléphone au poing, parade sur le quai :
Molène aura demain les honneurs des gazettes.